UNICEF soutient la corrida

De Jean Paul Richier de la CVN

Article sur les corridas dites de bienfaisance
« Les corridas, si elles sont tolérées dans 11 départements du sud de la France, sont sanctionnées sur les neuf-dixièmes du territoire par le Code pénal, en tant que "sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux". C'est dire si ce qu'on appelle les "corridas de bienfaisance" relève de l'oxymore, cette figure de style qui consiste à placer l'un à côté de l'autre deux mots contradictoires. C'est en tout cas ainsi que le ressentent les trois-quarts des Français défavorables à la corrida, et à fortiori les deux-tiers des Français partisans de son interdiction pure et simple sur l'ensemble du territoire français.

Toros Y Caridad

En 2009, le CTPR (Club Taurin Paul Ricard) "Caissargues Y Toros", après avoir dû en 2008 reporter son festival d'octobre de Caissargues, non loin de Nîmes, vers la commune voisine de Rodilhan, a décidé de changer de nom pour s'appeler "Toros y Caridad" (Taureaux et charité). Sa raison d'être est-elle donc d'apporter de l'aide aux humains en difficulté ? Pas du tout, dans le statut déclaré en avril 2009 à la Préfecture du Gard, son objet est très clairement de "promouvoir et développer la tauromachie espagnole sur la commune de Rodilhan", comme on peut le vérifier sur cette page du Journal Officiel (en bas).
Charité bien ordonnée commence par soi-même.

Mais le mundillo, le petit monde de la corrida, a bien compris que, pour contrer la désaffection et la réprobation croissante vis à vis de la corrida, jouer la carte humanitaire était un bon plan. D'autant que les corridas de "bienfaisance" sont exonérées de TVA...

En 2008 et en 2009, le festival de Rodilhan a fait la charité à une association régionale de l'Hérault, "La CLE" (Cancers et Leucémies de l'Enfant), qui vise à améliorer le sort des enfants malades et de leurs parents en milieu hospitalier. Bien entendu, le sort des enfants frappés de maladies graves et celui de leurs parents est terrible. Et le travail des associations est bienvenu pour compléter celui des professionnels de la santé. Sauf quand certains administrateurs ou membres actifs entretiennent des liens malsains avec le mundillo, et en viennent à confondre leur engagement associatif avec leur passion taurine. C'est à l'évidence le cas à La CLE, qui a d'ailleurs parmi ses parrains le torero nîmois Marc Serrano. En octobre 2009, interpellée par des internautes choqués, La CLE s'était empressée de nettoyer son website des références à la tauromachie espagnole.

Cette année, pour le festival de Rodilhan du 23 et 24 octobre, le Club Taurin "Toros y Caridad" avait décidé de faire la charité à une association locale, "Rêves-Gard", dont l'objectif est de permettre à des enfants atteints de graves maladies de réaliser un rêve (voyage, rencontre...). Cette association avait été choisie à la demande de José Pirès, parrain de celle-ci, et par ailleurs auteur de l'affiche pour le festival. La présidente de Rêves-Gard, Françoise Arnal, est également bien introduite dans le mundillo gardois.
Seulement, cette charité n'a pas été acceptée par la direction nationale dont dépend Rêves-Gard. L'association Rêves, sise en Rhône-Alpes, n'entend pas réaliser les rêves d'enfants malades avec du sang d'animaux suppliciés. Ceci relève d'une certaine cohérence éthique, et d'une certaine cohérence juridique. Contrairement à la présidente de Rêves-Gard, la direction nationale juge, pour reprendre les termes du Code pénal, les "sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux" peu compatibles avec les rêves d'enfants...

D'autres associations avaient auparavant décidé de ne pas se laisser manipuler par le lobby taurin, comme l'association Laurette Fugain, présidée par Stéphanie Fugain, ainsi baptisée en souvenir de sa fille Laurette morte à 23 ans d'une leucémie, et qui a vocation à sensibiliser aux dons de plaquettes et de moëlle osseuse. Stéphanie Fugain avait refusé la charité d'une corrida de bienfaisance en 2006, provoquant la fureur du petit monde de la corrida.

"Toros y Caridad" a donc finalement décidé de faire la charité à La CLE, comme d'habitude, ainsi qu'à l'ARSla (Association pour la Recherche sur la Sclérose latérale amyotrophique, une grave maladie neurologique). L'ARSla n'a ni la cohérence éthique et juridique de Rêves, ni la prudence de La CLE, puisqu'elle faisait de la réclame pour le festival taurin de Rodilhan sur son website, où on pouvait lire :
"Venez nombreux, avec familles et amis, encourager les graines de toreros aussi bien que les toreros confirmés et vous unir pour ce week-end de solidarité."
La recherche sur la SLA sacrifie déjà de nombreux rats et souris transgéniques, maintenant on saura qu'il faut aussi y sacrifier des taureaux...

Du coté des taurins, on ne décolère pas envers Rêves. Les insultes volent bas, alternant avec les larmes de crocodiles sur les "enfants privés de rêves". Mais pensez-vous que le sort des enfants malades leur importe davantage que leur passion morbide ? L'épisode de l'association Laurette Fugain dont nous parlions plus haut est à cet égard édifiant. Car, après le refus de l'argent de la corrida par cette association, la FSTF (Fédération des Sociétés Taurines Françaises) avait tout simplement donné pour consigne à titre personnel aux aficionados de suspendre leurs dons envers celle-ci ...
Pour l'affaire Toros y Caridad, les opposants à la corrida ont choisi une toute autre logique, notamment en incitant à envoyer des dons à l'association nationale Rêves.

Enfants-Bonheur

Parmi les associations qui accueillent l'argent rouge à pleines mains, il faut citer Enfants-Bonheur, association d'aide aux enfants en Haïti. Elle a postulé sans états d'âme pour recevoir les bénéfices de la corrida organisée le 13 mai à Nîmes par Simon Casas, directeur des arènes, et Sébastien Castella, matador bien connu. Cette opération médiatique, lancée suite au séisme et intitulée pompeusement "1 million pour Haïti", avait pour objectif de blanchir le sang des taureaux en instrumentalisant un drame collectif particulièrement horrible. Cette manigance honteuse a finalement rapporté quelque 200 000 €.

On pointera que ceci n'équivaut qu'à la moitié des quelque 400 000 € généreusement dévolus (au frais du contribuable) en 2010 par Nîmes Métropole au concours Graines de Toreros, au cours duquel se produisent durant la saison taurine des jeunes élèves de l'école tauromachique.

Mais la question est ailleurs. Il faut savoir que depuis le séisme, des centaines et de centaines de millions d'euros ont été versés pour ce pays, via les ONG ou via les États. Il faut savoir que depuis le séisme, les agences internationales et les ONG se bousculent en Haïti. Les deux cent mille euros de M Casas sont une goutte d'eau dans ce flot, qui ne changera en rien le cours des choses. Évidence qu'illustre malheureusement l'épidémie de choléra qui ravage actuellement l'Artibonite, due aux conditions de vie qui persistent dans trop de camps de réfugiés. Les analystes s'accordent à dire que la question de la reconstruction haïtienne se pose en termes non pas de moyens mais d'organisation : organisation des pouvoirs publics à Haïti, organisation du capharnaüm foncier, et organisation des ONG entre elles, avec la population, et avec les pouvoirs publics locaux.

En tout cas, c'est dans la piste même des arènes de Nîmes, et des mains du matador Sébastien Castella, que la présidente d'Enfants-Bonheur, Jacqueline Bonheur, a reçu son chèque le 19 septembre dernier. En présence du tandem Jean-Paul Fournier (maire de Nîmes) et Simon Casas (directeur des arènes), ravis de cette opération de communication. Et en compagnie du comédien Thierry Lhermitte, membre du conseil d'administration de l'association, à l'aise dans le mundillo comme un poisson dans l'eau. Si les taureaux pouvaient penser, peut-être se diraient-ils, en agonisant pour ceux qui veulent remplir leur hotte à tout prix, que le Père Noël est une ordure...

L'UNICEF

Il faut dire que l'exemple vient d'en haut. Le petit monde de la corrida peut s'enorgueillir d'un soutien de taille, celui de l'UNICEF-France. Oui, vous avez bien lu, le comité français de l'United Nations of International Children's Emergency Fund (Fonds des Nations unies pour l’enfance) soutient expliciment la corrida. Il tient un stand chaque année à la Féria des Enfants, manifestation qui accompagne en mai la Féria de la Pentecôte de Nîmes. En mai 2009, André Viard, le président de l'Observatoire des Cultures Taurines, le lobby tauromachique français, écrivait sans ambages : "Il s’agit d’éveiller les plus jeunes à nos traditions pour les aimer, les défendre et plus tard les transmettre. [...] Aussi pas de Féria des enfants sans des arènes installées pour l’occasion animées par le Centre de Tauromachie Nîmois [...] A noter la participation très active de L’UNICEF". Le Centre de Tauromachie Nîmois est l'école taurine de Nîmes, qui reçoit des enfants sans limite inférieure d'âge pour leur apprendre à devenir toreros.

Cette année, en mai, pas moins de 66 taureaux ont été suppliciés lors de la Féria de Nîmes. Et l'UNICEF était encore présent à la Féria des Enfants, qui plus est avec référence au 20ème anniversaire de la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Cette bénédiction de l'UNICEF est d'autant plus choquante que nombreux sont ceux qui s'inquiètent des possibles répercussions du spectacle de la corrida sur les hommes, et plus particulièrement sur les enfants. A l'occasion du débat parlementaire qui a abouti à la suppression des corridas en Catalogne espagnole en juillet dernier, une lettre attirant l'attention des députés catalans sur cet aspect avait été co-signée par 275 professionnels et universitaires de plusieurs pays, dans les domaines des sciences sociales, humaines, médicales et juridiques. En France, un collectif de 75 psychiatres et psychologues demande que les moins de seize ans n'aient plus accès aux corridas.

Cet engagement de l'UNICEF pourrait être une simple initiative locale de l'antenne du Gard. Mais le président d'UNICEF-France, Jacques Hintzy, n'a jamais donné suite ces deux dernières années aux demandes d'explications, y compris de la part des membres des deux collectifs ci-dessus.

Décidément, la France donne parfois une image d'elle peu reluisante.

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sur http://www.lepost.fr/article/2010/10/27/2283904_corridas-de-bienfaisance-charite-bien-ordonnee.html

Sites à visiter :
- le site des vétos : http://www.veterinaires-anticorrida.fr/
- le site des psys : http://pas-de-corridas-pour-les-enfants.over-blog.fr/

Jean-Paul Richier.


A rappeler un message de l'UNICEF au FLAC

Citation :

D’ailleurs, dans un courrier daté du 14/12/2004, Monsieur Jacques Hintzy, président d’UNICEF-France, répondait aux inquiétudes de Mr Joël Lunel, délégué de la Commission Protection Jeunesse au sein de la FLAC : « Je veux vous indiquer que nous respectons vos convictions et que l’UNICEF ne s’associera pas à la promotion de corridas ou à toute action de collecte de fonds dans le cadre de ces manifestations »